Tuesday 27 January 2015

Connaissance Dessarts writes about the beautiful Art Brut Collection ""Treger/Saint Silvestre Collection" and the Museum Olivia Creative Factory


   

Le nouveau pôle de l’Art brut 

Suite au dépôt de la collection Treger-Saint Silvestre, le premier musée d’Art brut de la péninsule ibérique a ouvert ses portes au Portugal, à une quarantaine de kilomètres de Porto. Une aventure des plus singulières…

 C’est l’histoire d’une passion. Celle partagée par deux hommes, Richard Tregeret Antonio Sain
Silvestre, qui ont tous deux grandi en Afrique, l’un au Zimbabwe, l’autre au Mozambique. Lorsqu’ils
se rencontrent en Europe, il y a quarante ans, Richard est pianiste classique et Antonio, peintre et sculpteur. Les artistes sont leurs amis, l’art leur quotidien. Combas, Erró, Adami, Dado, Peter Saul… le couple collectionne, commeà son insu. Bientôt, la création prend le dessus,tant et si bien qu’en

1989 Richard Treger ouvre une galerie rue Mazarine, qui fermera ses portes vingt ans après. De la Figuration libre, leur goût évolue et leur intérêt se porte vers l’art vaudou, l’Art singulier avant de se focaliser depuis dix ans sur l’Art brut. 
« C’est-à-dire un art né de l’altérité mentale ou sociale de ses auteurs et dont les mythologies individuelles nous font toucher à l’essence métaphysique de l’art.
Un art né d’une impérieuse nécessité intérieure, indifférent aux attentes du marché et d’une totale
sincérité puisque conçu, la plupart du temps, dans e secret… », précise Christian Berst, galeriste
parisien, spécialiste de l’Art brut, qui vient d’ouvrir une seconde galerie à New York, dans le
Lower East Side.

Le nouveau pôle de l’Art brut Basés à Lisbonne depuis la fermeture de leur galerie parisienne il y a cinq ans, Richard Treger et Antonio Saint Silvestre, mus par leur désir de partage, se sont mis en quête d’un lieu où rendre publique leur collection. Le projet original de l’Oliva Creative
Factory/Nucleo de Arte et la détermination du maire de São João de Madeira les ont décidés. En dépôt pour trois ans renouvelables, leur collection est désormais domiciliée dans cette banlieue de Porto où une magistrale exposition inaugurale révèle sur six cents mètres carrés un panorama unique
de l’Art brut dans le spectre historique, géographique et formel le plus large. La planète de l’Art brut
Henry Darger, Adolf Wölfli, Carlo Zinelli, Fleury-Joseph Crépin, Magde Gill, Augustin Lesage… les incontournables sont là, avec des pièces souvent rares et historiques comme dans le cas de Zinelli.

Mais la collection, pléthorique avec environ six cents oeuvres, est tout sauf la simple compilation de grands noms. « Ce qui caractérise les collectionneurs Richard Treger et Antonio Saint Silvestre, c’est leur liberté par rapport aux courants dominants », souligne Christian Berst, qui les a accompagnés
dans la construction de leur collection d’Art brut et signe le commissariat de l’exposition inaugurale
à l’Oliva Creative Factory/Nucleo de Arte. 



« Ils se sont toujours placés dans l’angle mort de la création. Lorsqu’ils s’intéressent à la Figuration libre au départ, puis à l’Art singulier avant de se focaliser sur l’Art brut, l’indépendance de leur démarche est frappante. Y compris pour l’Art brut, qui n’avait pas encore pris du galon il y a dix ans. » Du Brésil avec Evaristo Rodrigues, à la Croatie avec Janko Domsic, de l’Uruguay avec Alexandro Garcia, à la Chine avec Guo Fengyi, en passant par la Russie représentée par les autoportraits frappants d’Alexandre Lobanov ou les dessins, précieux comme des broderies, de Vasilij Romanenkov, toute la planète de l’Art brut, telle que les investigations actuelles permettent aujourd’hui de la circonscrire, semble réunie. 
Schizophrènesavérés ou simples marginaux, tous les profils, tous les univers, tous les registres sont conviés. « Concernant l’Art brut, la collection Treger-Saint Silvestre est l’une des rares à échapper à tout dogme. Elle ne cherche ni l’orthodoxie par rapport à une définition telle que l’avait posée Dubuffet parexemple, ni une proximité formelle avec l’art contemporain comme le veut la tendance actuelle. Tant du point de vue géographique, historique que formel, elle est un parfait instantané de ce que l’on connaît de l’Art brut aujourd’hui. » Production anarchique et souterraine, fonds d’hôpitaux ou gisements oubliés, l’Art brut, par essence protéiforme et hors des radars de la création, recouvre un vaste champ dont l’exploration ne fait que commencer, notamment pour certaines parties du monde :

Europe de l’Est, Afrique, Amérique du Sud, Asie. L’identification, le repérage de ces créateurs relève autant du travail de détective que de celui de l’ethnologue, via un réseau d’informateurs. Il faut ensuite vérifier que la qualité est bien au rendez-vous. Car tout marginal ou fou, s’il tient le crayon, n’est pas frappé par la grâce. L’enquête n’est pas aisée, les efforts, conséquents, mais la récompense,
immense, lorsque soudain émerge un continent englouti. Réunis ici, les folles machines de Jean

Perdrizet, les bestiaires obsessionnels de Marco Raugei, les personnages mutiques d’Alexis Lippstreu, les villes imaginaires de Sebastian Ferreira ou les graphies compulsives d’Harald Stoffers sont, au-delà de leur indéniable puissance plastique, autant de fenêtres qui s’entrouvrent, laissant entrevoir des mo intérieurs qui nous bouleversent au plus profond de nous-mêmes. Premier musée d’Art brut de toute la péninsule ibérique, l’Oliva Creative Factory/Nucleo de Arte prend place dans une cosmogonie où les points cardinaux restent rares. Figées dans une ossature classique, la Collection de l’Art brut à Lausanne et celle du LaM à Villeneuve-d’Ascq ne se font pas l’écho d’un art dont la définition et les contours sont toujours en construction. Publiques également, les célèbres collections de Gugging en Autriche ou de Prinzhorn en Allemagne ne concernent quant à elles que
l’univers psychiatrique. Peu de musées ou collections permanentes sinon, ce qui rend d’autant plus notable le geste généreux de ce couple de collectionneurs pour qui partager et rendre publiques ces oeuvres allait de soi. 


« Garder la collection chez nous ? Ce serait comme aller tout seul au restaurant ! », déclare Antonio Saint Silvestre dans un immense éclat rire. Tant mieux, car la table est merveilleusement garnie…




 VÉRONIQUE BOURUET-AUBERTOT in Connaissance Dessarts about the museum Olivia Creative Factory 

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